Au fenua, il est de tradition d’enterrer le pū fenua, le placenta d’un nouveau-né, dans son jardin ou sur un terrain familial et plus précisément au pied d’un arbre fruitier. Une tradition autrefois ritualisée, qui s’est perpétuée de générations en générations, qui a subsisté dans la pratique au sein des familles Polynésiennes, tout en s’adaptant aux mœurs contemporaines avec toujours autant de respect envers ce geste hautement symbolique.
TE PŪ se traduit par le centre, le milieu, l’intérieur d’un pays, atteindre son but ou encore le bassin d’eau naturel, la tête d’une pieuvre.
TE FENUA se traduit par la terre, le territoire, la propriété, le domaine, le pays.
N’est-ce pas là, une réunion de termes pleine de sens, que pū fenua ?
Qui, a lui seul, veut tout dire : il englobe le tout.
Il caractérise l’enfant polynésien et son environnement intrinsèque, sa terre natale, sa terre-mère. Mais aussi et surtout : son lien indissociable à celle-ci, car le pū fenua, le noyau, le centre ou le centre-noyau ne font qu’un.
Cette coutume était jadis très ritualisée : de la grossesse à l’accouchement
pour les familles des ari’i, de chefs. Le tahu’a, le spécialiste en charge de ce rituel, s’en allait vers le marae afin d’y enterrer le pū fenua. Scellant ainsi l’attachement de l’enfant à cette famille, à ces pierres, à cette terre.
Ainsi le pū fenua, symbolise le lien entre l’homme et sa terre :
c’est une relation pure et sincère.
La Terre est appelée Te metua vahine qui signifie la Terre mère nourricière, en tahitien. Cette pratique symbolise la relation vitale et reconnue par les anciens polynésiens entre la Terre et l’Homme.
Pour les autres familles, le pū fenua était recueilli lors de l’accouchement et enterré de préférence devant le seuil de la maison familiale ou dans un endroit spécifique choisi par la famille. Au-dessus de celui-ci, un arbre fruitier était planté afin que ce dernier puisse nourrir l’enfant tout au long de son existence. Ainsi, le terme de fructification prend son sens ici.
Les Marquisiens, eux, choisissaient de déposer le placenta des nouveau-nés au pied d’un banian. Cet arbre symbolise la filiation entre les kakīu, les ancêtres et le nouveau-né. Car cet arbre témoigne, par son imposant système racinaire et sa carrure, du lien de plusieurs générations, des nouveaux cycles et du lien entre la terre et l’air car les racines aériennes ont également un rôle important, notamment pour la confection des tapa.
Une autre coutume serait pratiquée pour les familles de pêcheurs :
le pū fenua était placé dans un coquillage et jeté dans la passe par laquelle les embarcations familiales prennaient le chemin pour la pêche.
Ainsi, lorsque l’enfant deviendra pêcheur à son tour, il trouvera l’entrée de sa passe à chaque sortie en mer.
Une autre pratique a été relevée dans certaines îles, selon laquelle
il fallait enterrer le pū fenua dans de la boue ou le jeter à l’eau pour ne pas qu’il se dessèche, faute de quoi l’enfant risquait de dépérir et de mourir.
Aujourd’hui, la tradition du pū fenua, se perpétue, les familles polynésiennes récupèrent le placenta après l’accouchement.
D’ailleurs, certaines cliniques et hôpitaux de Polynésie tolèrent cette coutume et laissent aux familles le soin de récupérer le pū fenua de leur nouveau-né.
Néanmoins, l’enterrement du pū fenua se fait d’une manière plus libre et moins ritualisée. Tout comme le choix de l’arbre planté pour l’occasion, allant désormais d’un arbre fruitier à un pied de tiare tahiti. Seul l’attachement à la Terre, aux ancêtres, et donc à une identité prime.
Pour parfaire vos connaissances je vous invite à lire le livre Entre nature et culture, la mise en terre du placenta, de Bruno Saura, maître de conférences à l’Université de la Polynésie française, aux éditions Haere Pō.